Puisque suite à
ma dernière publication, on m’a demandé quelques recettes, je me lance et je
vous offre aujourd’hui celle du pain au levain, agrémentée de quelques liens
vers des recettes en vidéo.
Premièrement, précisons
tout de même que si vous pouvez vous essayer à cuire votre pain chez vous après
la lecture des lignes qui suivent, rien ne remplacera jamais la participation à
un atelier avec un boulanger expérimenté (qu’il soit pro ou amateur). C’est d’ailleurs
par là que j’ai commencé, avec l’écocentre
Oasis, en me disant surtout que j’allais passer un moment agréable et apprendre
des choses utiles… et qu’on verrait bien si cela apporterait des résultats
concrets. C’était il y a six mois de cela, et la réponse est donc « oui »,
puisque je cuis un à deux pains par semaine.
Le premier
avantage à suivre un atelier est que la personne qui l’anime vous donnera sans
doute un coup de pouce initial en vous offrant un échantillon de son levain. Quand
on a un levain bien vigoureux, il suffit en effet de le faire tripler ou même
quadrupler de volume avant d’organiser son atelier, et il y en a assez pour un
nombre raisonnable de participants.
Dans le cas où
vous deviez lancer votre levain tout seul, le premier choix à faire est celui
de votre contenant, avec un interdit : tout ce qui est métallique. Un pot
en verre d’un litre ou un peu plus, ou un Tupperware (ou assimilé) de même
volume sont les plus indiqués. Ensuite, pour la recette elle-même, vous aurez
le choix entre celle des
puristes, qui se contentent d’un mélange d’eau et de farine, et celle des boulangers plus
pressés, qui ajoutent au départ quelques grammes de sucre ou de miel. Cet
ajout de sucre rapide n’est donc pas strictement nécessaire, et même celles et
ceux qui y ont recours précisent qu’il ne se fait que lors du tout premier
mélange. Par la suite, le levain est créé (et plus tard nourri) uniquement à
base de farine (bio et assez fine) et d’eau (non chlorée : filtrez et/ou
laissez reposer votre eau de ville).
Bref, le levain
est donc bien vivant : après une semaine à 10 jours où vous l’avez nourri
quotidiennement d’une cuillère de farine et d’une cuillère d’eau, il fait des
bulles et dégage une odeur parfumée et un peu acide. Il est maintenant temps de
le faire vivre au frigo plutôt qu’à température ambiante. Petite remarque :
le levain est vivant et se comporte donc comme tel. Son odeur et sa vigueur évoluent
en fonction des saisons, de la température dans votre frigo, et de ce que vous
stockez dans votre frigo, puisque le contenant est ouvert, pour que les
bactéries respirent. Par exemple, mon levain est maintenant bien plus acide qu’il
y a quelques mois. Je m’en suis d’abord inquiété, mais comme Prosper (c’est son
petit nom) remplit toujours son office et que le pain n’est pas plus sûr qu’avant,
je n’essaye pas de corriger cette acidité.
Dernière chose
avant de se lancer dans la recette du pain. Vous avez donc, avec votre levain,
un animal domestique à la maison ! L’avantage est qu’il ne vous réveillera
pas la nuit, et qu’il ne faut pas nettoyer son bac ou le sortir pour la promenade.
Mais pour le reste, veillez à bien le nourrir avant de vous absenter (jusque 4-5
jours), et si vous partez pour longtemps, emmenez-le avec vous ou confiez-le à
une personne attentionnée en attendant votre retour.
La recette du pain,
donc ! Eh, bien, stricto sensu, il n’y en a pas ! Ou du moins aucune
recette exacte. Bien sûr, vous pourrez trouver des
recettes où l’on vous donne des proportions au gramme près, et des temps de
cuisson minutés. Mais personnellement, je n’ai jamais fonctionné comme ça :
mes crêpes, mes carbonnades, mes pâtisseries, ne sont jamais deux fois
pareilles. Pour moi, il y a dans la cuisine une part d’inspiration, d’improvisation,
de réalisme : on fait avec les ingrédients et le temps qu’on a, un peu au
feeling, sans forcément sortir la balance de pharmacien.
Par contre, ce
qui est plus formateur que de suivre une recette, c’est de se tromper de temps
à autre. Pour ma part, j’ai appris à mes dépends que mon four ne peut pas cuire
un pain fait avec plus de 200 grammes de levain à la base, et ma dose initiale
varie donc entre 150 et 200 grammes. Ce levain, avant de l’utiliser, il faut s’assurer
bien évidemment que vous en avez une quantité suffisante, et il faut le sortir
du frigo et le nourrir deux ou trois heures avant de pétrir la pâte. Plutôt
deux ou plutôt trois heures, d’ailleurs ? Eh bien, ça dépend de la température
ambiante ! Un peu plus longtemps en hiver qu’en été, donc… et s’il y a 15
degrés dans votre cuisine, ça peut même être quatre heures !
La dose initiale
de levain est mélangée uniformément avec une double dose d’eau, et ensuite, la
farine est ajoutée au fur et à mesure, en mélangeant avec une grande spatule ou
cuillère en bois, pour éviter la formation de grumeaux. Quand on dit « la
farine », ce serait d’ailleurs plutôt « les farines ». Pour
nourrir votre levain, une farine fine, presque blanche, et vraiment bio (sans
aucun additif de conservation) est la plus indiquée. Mais ensuite, laissez libre
cours à votre fantaisie : farine complète, multicéréale, d’épeautre, ou
autre… Le tout est d’obtenir un pain suffisamment aéré, pas trop compact, et
donc je garde toute façon au moins 50% de farine blanche dans la composition. Tant
que la pâte est encore assez liquide, n’oubliez pas d’ajouter une (grande)
cuillère à café de sel, et si vous voulez un pain aux fruits secs ou aux
graines, incorporez-les aussi avant que la pâte ne soit trop compacte.
« Et
justement, mon bon monsieur, elle est prête quand, cette pâte ? Quand arrête-t-on
de rajouter de la farine ? » Eh bien, le plus tôt possible ! Il
sera très difficile de réhumidifier une pâte où l’on a mis trop de farine,
alors il faut être prudent sur la fin. La pâte doit être « pétrissable »,
élastique, mais encore un peu collante, elle doit rester sur les mains du
boulanger, ne pas vouloir le lâcher : elle est « amoureuse ».
Une fois que ce résultat est atteint (comme la tarte), laissez reposer la pâte
à température ambiante dans le récipient où vous l’avez travaillée (en verre ou
en plastique, comme pour le levain), en prenant le soin de la recouvrir d’un
linge de cuisine.
Elle repose combien
de temps, cette pâte ? Six heures si vous êtes au Brésil à la saison des
pluies, avec 30°C et 90% d’humidité dans l’air, 24h au moins si vous la mettez
au frigo parce que vous ne pouvez pas vous en occuper avant une journée
complète. A température ambiante en Belgique, on est autour des 12h. Mais le
tout est de voir qu’elle a bien monté, que la croûte de surface qui a un peu
séché est craquelée parce que les bactéries ont travaillé et que l’intérieur a
gonflé. Là encore, rien de très précis, donc. A l’heure où j’écris ce post, ma
pâte faite hier soir monte depuis 13h, mais il fait frais, et je préfère la
laisser pousser encore une heure ou deux.
Ensuite arrive la
phase de ce qu’on appelle « le boulage ». Il s’agit d’un second
pétrissage pendant lequel on aplanit la pâte pour évacuer le CO2 qu’elle
renferme et on la ré-arrondit pour réincorporer de l’air. Il suffit d’une poignée
de farine et d’une grande planche pour cette opération. Le tout ne dure que quelques
minutes, et on termine en sachant où se trouve « la clé » (endroit où
est entré l’air frais), car elle devra être en-dessous pour la cuisson. On
dépose donc le pain « clé en dessous » sur la taque de cuisson ou
dans un moule, et on le recouvre du même linge pour une seconde levée de 2-3
heures.
La cuisson en
elle-même ne dure que peu de temps, mais demande un four préchauffé à 250 °C,
et donc dans la mesure où nos vies agitées le permettent, l’idéal est de
combiner avec la cuisson d’autre chose à température inférieure, pour
rentabiliser toute cette débauche d’énergie. Une fois le four à la bonne
température, enfournez après avoir marqué le pain, pour forcer son ouverture par
le dessus, sinon la croute risque de craquer sur les flancs. Quelques coups de
lame assez profonds suffisent. Jetez un petit verre d’eau au fond du four, pour
donner ce qu’on appelle le « coup de buée ». Toute cette opération d’enfournage
ne doit durer que quelques secondes, pour ne rien perdre de la précieuse chaleur
et du dégagement de buée immédiat lorsque l’eau est jetée au fond du four. Pour
la cuisson elle-même, évitez la chaleur tournante (il n’y en a pas dans un four
traditionnel de boulangerie) et si nécessaire, diminuez un peu la température (on
juge à la couleur de la croûte), mais en restant toujours au-dessus des 200°C.
Selon les fours, la cuisson dure 20 à 30 minutes. En fin de parcours, je
retourne le pain pour quelques minutes, afin que le dessous soit un peu doré
aussi.
Le pain est cuit
quand le dos sonne creux. Il faut alors le laisser refroidir une heure sur
grille avant de le couper, sinon l’humidité s’échappe. Cette heure peut sembler
fooooort longue, surtout avec des enfants et si le moment du repas est proche. Si
le pain ne se fait pas dévorer dans les 3 jours, il peut se mettre à sécher.
Mais l’un de ses multiples avantages, c’est que sa conservation est simple
(dans un sac en papier ou un essuie de cuisine) et longue : il peut se
passer des semaines avant qu’il ne moisisse, et même s’il devient dur comme de
la pierre, rien ne vous empêche de le réutiliser pour faire des croûtons.
Comme vous l’aurez
compris, même si toute cette opération ne prend qu’une heure au total, elle se
répartit sur environ 15-18h au total, et il faut donc être certain d’avoir
quelques petits créneaux horaires disponibles au bon moment. Un minimum d’organisation
est requis, donc, pour ce plaisir immense de préparer son pain soi-même et de
le partager. Mais si le temps venait à manquer, que faire du levain qui s’accumule
alors que vous ne faites pas de pain ? Il serait dommage de le jeter, alors
utilisez-le dans des recettes « plus immédiates », par exemple pour des
gaufres
ou des crêpes.
Bon appétit !